Face à une opposition grandissante à sa réforme des retraites, Élisabeth Borne s’explique jeudi soir sur France 2 sur le sens de son projet, qu’elle défend comme « juste » même si elle demande un « effort » aux Français, autant que sur sa stratégie.
La Première ministre sera interrogée pendant 35 minutes par la journaliste Caroline Roux dans l’émission « L’Evénement ». Mais elle ne participera pas au débat qui suivra.
Elle entend « continuer à expliquer cette réforme », qui repousse notamment l’âge de départ de 62 à 64 ans, et pourquoi elle est « indispensable pour sauver le système de retraites », selon son entourage.
Devant le Sénat mercredi, Elisabeth Borne a assuré « mesurer » ce que travailler plus longtemps « représente pour beaucoup de Français ». « Je sais que nous ne sommes pas tous égaux devant le travail. C’est pourquoi nous avons veillé à répartir le plus équitablement possible l’effort », a-t-elle plaidé.
Après une mobilisation record mardi, avec entre 1,2 et 2,7 millions de personnes dans la rue, et avant deux nouvelles journées d’action la semaine prochaine, le gouvernement dit « entendre » et « comprendre » la colère des Français.
Mais Mme Borne a aussi serré la vis en affirmant dimanche que le report à 64 ans, qui cristallise le mécontentement, n’était « plus négociable ».
Alors que l’exécutif cherche désespérément les mots justes pour vendre sa réforme, il s’agit aussi de se montrer résolue sur les fondamentaux: car « l’hésitation est mortelle », résume un ministre.
Ce raidissement expose à d’éventuels blocages dans le pays, que 60% (+3 points en une semaine) des Français « comprendraient », selon un sondage Elabe publié mercredi, tandis que 71% restent opposés à la réforme.
Avant de s’exprimer sur la chaîne publique, la Première ministre a soigné sa majorité qui n’est que relative à l’Assemblée nationale.
Le texte y a fait des débuts laborieux en commission, avant l’arrivée cruciale lundi prochain dans l’hémicycle, où chaque voix comptera.
Elle a d’abord « mobilisé » ses troupes lundi devant le bureau exécutif du parti présidentiel Renaissance, puis a participé mardi à l’Assemblée à l’intergroupe comprenant aussi les formations alliées, Horizons et MoDem.
« La majorité sera unie », a-t-elle assuré.
– « Discipline » –
Elle pourra mesurer l’efficacité de son message lors de l’intervention d’Édouard Philippe, président d’Horizons, sur BFMTV deux heures la sienne sur France 2.
Accusé de ne pas suffisamment soutenir l’exécutif, ce partisan d’un report de l’âge de départ jusqu’à 65, 66 voire 67 ans irrite au sein de Renaissance alors que son groupe parlementaire sème la confusion, certains députés menaçant de voter contre ou s’abstenir.
La Première ministre « va devoir faire un peu de discipline », juge un ministre, car le débat parlementaire « sera un combat de rue », ajoute un conseiller de l’exécutif.
Élisabeth Borne veille aussi au grain chez Les Républicains, divisés sur la réforme. Or leur soutien lui permettrait de la faire adopter sans passer par le 49.3, outil constitutionnel vu comme autoritaire.
Le chef de file des députés de droite Olivier Marleix, reçu à Matignon mercredi avec Éric Ciotti, président de LR, a évoqué un terrain d’entente sur les carrières longues. « La balle est dans le camp du gouvernement », a-t-il dit. LR demande une dérogation aux 64 ans pour les salariés ayant commencé à travailler avant 21 ans — érigée par certains députés en condition pour leur vote favorable.
Dans un entretien au Figaro jeudi, le secrétaire général de LR, Othman Nasrou, a tancé les récalcitrants au sein de son parti, appelant à la « discipline collective ».
De l’autre côté de l’échiquier politique, le député socialiste Arthur Delaporte s’est dit sur Radio J « assez peu optimiste » quant à la possibilité d’un vote de l’Assemblée avant le 17 février, date butoir avant la transmission du texte au Sénat, en raison des multiples amendements déposés par les oppositions.
Le porte-parole du Nouveau Parti anticapitaliste, Olivier Besancenot, a lui appelé sur BFMTV à « l’unité compacte entre la gauche sociale et la gauche politique » pour faire « monter d’un cran » la mobilisation « dès la semaine prochaine ».
Après l’interview d’Élisabeth Borne, des représentants syndicaux, dont le patron de la CFDT Laurent Berger, seront interrogés, avant un débat entre le ministre des Comptes publics Gabriel Attal, la députée de La France insoumise Clémentine Autain, le président du Rassemblement national Jordan Bardella et celui de LR Éric Ciotti.
LRC AVEC AFP