La Première ministre Elisabeth Borne à l'Assemblée nationale à Paris, le 14 février 2023afp.com - BERTRAND GUAY
Élisabeth Borne a fait mardi un nouveau pas vers Les Républicains, dont elle courtise le vote pour l’adoption à l’Assemblée de la réforme des retraites, en lâchant du lest sur les carrières longues, une annonce cependant jugée floue par des députés.
Interrogée par la députée Les Républicains (LR) Véronique Louwagie, la Première ministre a annoncé que les salariés éligibles au dispositif carrière longues, c’est-à-dire ayant commencé à travailler avant 21 ans, n’auraient pas à cotiser plus de 43 ans pour partir à la retraite, dès lors qu’ils auront atteint l’âge de départ anticipé requis.
Dans le projet initial, certains salariés en carrière longue devaient cotiser 44 ans.
Cette annonce est intervenue quelques heures après la réunion du bureau politique de LR, qui a précisément réaffirmé ses exigences sur ce volet. « C’est une avancée notoire », s’est réjouie Mme Louwagie.
Mais en séance, le député LR Aurélien Pradié, en pointe, a demandé au gouvernement si « ceux qui ont commencé à 16 ans et 18 ans partiront bien avec 43 années (de cotisations) et non 44 ».
Déposé dans la soirée, l’amendement du gouvernement prévoit un possible départ à 63 ans pour ceux ayant travaillé 4 ou 5 trimestres avant 21 ans, ainsi que de futures mesures par décret, ce qui a laissé les LR dans l’expectative.
Il reste aussi « 500 millions d’euros à trouver » pour financer ces mesures, a chiffré le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, sur LCI mardi soir.
Dans la matinée, huit membres du bureau politique de LR s’étaient abstenus sur le texte du patron du parti Eric Ciotti, dont Xavier Bertrand et plusieurs députés (Raphaël Schellenberger, Isabelle Perigault, Ian Boucard, Maxime Minot, Fabien di Filippo…) réticents à voter la réforme, au risque de fracturer le parti de droite.
La Première ministre avait déjà fait une première ouverture sur les carrières longues à destination des LR, majoritaires au Sénat, juste avant l’arrivée du texte dans l’hémicycle.
– « Amendements de blocage » –
Mme Borne a par ailleurs une nouvelle fois exhorté les oppositions de gauche à retirer les « amendements de blocage » pour permettre « un vrai débat de fond », alors qu’il en reste environ 14.000 à examiner.
Première visée: La France insoumise, fragilisée par les différents incidents de séance, le dernier en date ayant conduit le député Aurélien Saintoul à présenter ses « excuses publiques » au ministre Olivier Dussopt, traité d' »assassin ».
Lundi soir, la gauche avait annoncé le retrait d’un millier d’amendements et mardi, le groupe écologiste a renchéri de 150 amendements supplémentaires. Mais il faudrait en retirer « quasiment 9.000 » pour arriver à l’article 7 consacré au recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, a estimé mardi la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet (Renaissance).
Ce point, qui cristallise les débats et a plusieurs fois attiré plus d’un million de personnes dans la rue, risque de ne jamais être débattu dans l’hémicycle.
En attendant, les députés ont repris mardi l’examen de l’article 2 de la réforme, mettant en place un index en entreprise pour lutter contre le chômage des seniors.
Dans la soirée, un amendement Renaissance a été rejeté, malgré l’avis favorable du ministre du Travail – premier « accident » de vote pour les macronistes sur ce texte.
L’amendement entendait imposer des contraintes supplémentaires aux entreprises dans la mise en oeuvre de l’index seniors. Le groupe LR s’est prononcé contre, et le groupe Horizons allié de la majorité s’est partagé, ce qui n’a pas permis de récolter assez de voix en soutien à la mesure.
De quoi nourrir les spéculations sur un possible rejet de l’article 2 en soirée.
Votée ou non, vendredi à minuit, la réforme des retraites aura fini son parcours en première lecture à l’Assemblée et partira au Sénat, en vertu de la procédure controversée retenue par le gouvernement.
-« Dernière sommation »-
La France insoumise est également sous la pression de ses partenaires de la Nupes ainsi que des syndicats. Mais la patronne du groupe Mathilde Panot a refusé de s’engager à retirer des amendements, défendant « une stratégie de résistance parlementaire mouvante ».
En parallèle, une cinquième journée d’actions attend l’exécutif jeudi, organisée à l’appel des huit principaux syndicats. Une « dernière sommation », dixit Laurent Escure (Unsa), avant une nouvelle journée le 7 mars, après les vacances scolaires, qui pourrait enclencher des grèves reconductibles.
Jeudi, les numéros un de l’intersyndicale (CFDT-CGT-FO-CFE-CGC-CFTC-Unsa-Solidaires-FSU) défileront à Albi, symbole de cette France des petites villes très mobilisée contre la réforme. A Paris, la manifestation partira de Bastille en direction de la place d’Italie.
Après 963.000 manifestants, selon les autorités, plus de 2,5 millions selon les syndicats samedi, l’affluence devrait être moindre jeudi « avec deux zones en vacances », selon Simon Duteil (Solidaires).
Les perturbations s’annoncent limitées dans les transports, avec 4 TGV sur 5 en circulation et un trafic normal dans le métro parisien. Seul 1 TER sur 2 circulera en revanche dans les régions et à Paris, et le service sera partiellement perturbé sur certains trains de banlieue.
De même, 30% des vols à Orly seront annulés, et des aéroports en région affectés.
LRC AVEC AFP