Emmanuel Macron en tournée africaine pour éprouver sa « nouvelle relation » avec le continent

Deux jours après avoir exposé sa nouvelle stratégie africaine, le président de la République a entamé mercredi une tournée diplomatique cruciale en Afrique centrale alors que l’influence française ne cesse de reculer sur le continent. Il est arrivé mercredi soir au Gabon, première étape délicate où il doit dîner avec le président Ali Bongo. Une rencontre interprétée par l’opposition gabonaise comme un signe de soutien de la France à un régime contesté. De son côté, l’Élysée insiste sur l’agenda environnemental du Président avec sa participation à un sommet sur la préservation des forêts tropicales.

Plusieurs centaines de personnes se sont réunies à l’hôtel Radisson, situé sur le bord de mer, où le coup d’envoi du sommet a été donné par Lee White, ministre gabonais des Eaux et Forêts, et la secrétaire d’État française, Chrysoula Zacharopoulou.

« La France va poursuivre et accélérer son effort (…) pour les forêts d’Afrique centrale », a-t-elle affirmé à la tribune, avant le lancement des conférences, réunions et discussions entre ministres, membres de la société civile et experts qui se sont déroulé tout au long de la journée.

L’événement, organisé à l’initiative d’Emmanuel Macron et du chef d’État gabonais Ali Bongo Ondimba, se tient jusqu’à jeudi soir avec pour objectif d’améliorer la conservation des forêts dans le monde et de contribuer à la protection du climat et des espèces dans un contexte de dérèglement climatique.

« Macron indésirable en RDC »

La capitale gabonaise est la première étape d’un périple qui conduira ensuite le chef de l’État français en Angola, au Congo et en République démocratique du Congo. Il effectue son dix-huitième déplacement en Afrique depuis le début de son premier quinquennat en 2017. Il s’y rend surtout deux jours après avoir exposé depuis Paris sa stratégie africaine pour les quatre ans à venir.

Brandissant des drapeaux russes, quelques dizaines de jeunes Congolais ont manifesté, mercredi à Kinshasa, contre la venue du président français, l’accusant de soutenir le Rwanda aux dépens de leur pays.

« Macron assassin, Poutine au secours », scandaient les jeunes manifestants, qui se sont rassemblés devant l’ambassade de France avec des banderoles et pancartes disant « Macron parrain de la balkanisation de la RDC », « les Congolais disent non à la politique de la France » ou encore « Macron indésirable en RDC ».

La RD Congo, où le président français est attendu en fin de semaine, accuse son voisin le Rwanda de soutenir le « M23 », rébellion active dans l’est – ce qui a été corroboré par des experts de l’ONU malgré les dénégations de Kigali -, et attend de la communauté internationale une condamnation claire de cette « agression ».

« Nous sommes ici pour dire non à l’arrivée d’Emmanuel Macron car la France est complice de notre malheur », a déclaré devant les journalistes Josue Bung, du mouvement citoyen « Sang-Lumumba », arborant la coiffure, avec raie sur le côté, du héros de l’indépendance congolaise Patrice Lumumba (1925-1961).

Prenant acte d’un ressentiment croissant envers la France, ex-puissance coloniale, Emmanuel Macron a appelé lundi à « bâtir une nouvelle relation, équilibrée, réciproque et responsable [avec l’Afrique] ».

Il a aussi annoncé une réduction de la présence militaire française, concentrée depuis dix ans sur la lutte contre le jihadisme au Sahel, mais devenue l’incarnation de l’héritage colonial aux yeux d’une jeunesse avide de « nouvelle » indépendance.

« L’Afrique n’est pas un pré-carré », a martelé le chef de l’État, prônant une « posture de modestie et d’écoute » dans le prolongement de son discours de Ouagadougou en novembre 2017.

Tourner la page de la « Françafrique »

Depuis août 2022, l’armée française a été poussée hors du Mali et du Burkina Faso par les juntes au pouvoir dans ces deux pays. Elle a aussi quitté en décembre la Centrafrique où elle était intervenue pour mettre fin à des violences interethniques.

Forte des mercenaires du groupe Wagner et de campagnes de désinformation qui alimentent le sentiment antifrançais sur les réseaux, la Russie dame de plus en plus le pion à Paris dans sa sphère d’influence historique.

Emmanuel Macron entend désormais s’appuyer sur la société civile et les diasporas africaines en France pour tourner la page de la « Françafrique », longtemps faite de liens troubles et de soutien à des potentats locaux. 

« Notre intérêt, c’est d’abord la démocratie », martèle-t-il, promettant aussi de « défendre les intérêts » économiques français là où nombre de pays, de la Chine à la Turquie, avancent à visage découvert.  

L’exercice s’annonce délicat au Gabon où l’opposition l’accuse d' »adouber » à travers sa visite le président Ali Bongo, élu dans des conditions controversées en 2016 et probable candidat à sa réélection cette année. « À tort ou à raison, les Gabonais interpréteront votre arrivée dans leur pays comme l’expression du soutien de la France au régime en place, en vue de favoriser son maintien au pouvoir », ont asséné les principaux leaders de l’opposition gabonaise.

Macron à contrecourant ?

Emmanuel Macron se défend de toute démarche « politique » et assure que l’unique but de sa visite est le sommet sur les forêts du bassin du Congo, premier poumon de la planète selon l’Élysée, désormais menacé par la surexploitation agricole.

Idem à Luanda où il signera vendredi un partenariat pour développer la filière agricole en Angola, pays pétrolier de premier plan mais où la majeure partie de la population reste plongée dans la pauvreté.

Le président angolais Joao Lourenço, réélu en 2022, incarne la continuité du Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA), au pouvoir depuis l’indépendance du Portugal en 1975 et longtemps parti unique.

Emmanuel Macron fera ensuite une brève escale à Brazzaville où le président Denis Sassou Nguesso est au pouvoir depuis près de quarante ans, une rencontre qui risque là aussi d’apparaître à contrecourant de son discours de lundi.

La République démocratique du Congo, ex-colonie belge mais aussi plus grand pays francophone du monde, lui offrira sans doute une meilleure opportunité pour dérouler sa vision de l’Afrique.

Mais là aussi le président Félix Tshisekedi, au pouvoir depuis janvier 2019, se prépare à une échéance électorale cette année et l’opposition ne voit pas d’un bon œil cette visite. 

Le président français sera aussi très attendu sur la crise dans l’est du pays, où le Rwanda est accusé de soutenir la rébellion du M23 et où il a tenté, en vain, une médiation.

LRC AVEC AFP

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